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Liban : société civile, acteurs de la chaîne pénale et étudiants mobilisés pour la 21e Journée mondiale contre la peine de mort

Du 7 au 10 octobre, une délégation composée de Richard Sédillot, avocat spécialisé en droit international et porte-parole d’ECPM et de Julia Bourbon Fernandez, responsable MENA d’ECPM était à Beyrouth au Liban dans le cadre de différentes activités organisées à l’occasion de la 21e Journée mondiale contre la peine de mort. Au programme : une conférence, un séminaire des acteurs de la chaine pénale, des interventions à l’Université de la Sagesse et une visite de la prison du Roumieh. La délégation s'est entretenue avec différents acteur·rices clés - des parlementaires, des magistrats et avocats et des représentants de la société civile.

Le 7 octobre, la LACR (Lebanese Association for Civil Rights) et ECPM ont organisé à Beyrouth une Conférence nationale le matin et un Séminaire des acteurs de la chaine pénale l’après-midi dans le cadre d’un projet soutenu par la Norvège.

Conférence nationale

Après une intervention d’ouverture des représentants d’ECPM et de la LACR, trois tables rondes se sont succédées. La première portant sur le sujet de la situation de la peine de mort et de l’action abolitionniste au Liban été modérée par la journaliste Diana Skaini et a vu les interventions de Dr Ogarit Younan, Me Lina Aya, responsable juridique de l’AJEM et Elsy Moufarrej. Ogarit Younan a rappelé que « discuter de l’abolition n’a jamais été une chose facile. Etre contre la peine de mort, cela ne veut pas dire que l’on est en faveur du crime ». Me Lina Aya a traité de la situation de la peine de mort et rappelé le travail effectué en terme de documentation de la peine de mort en lien avec ECPM et la LACR, notamment dans le cadre de la publication du rapport de mission d’enquête en 2020 et la publication d’une brochure sur la peine de mort en droit et en pratique en 2023.

La seconde table ronde intitulée « La peine de mort, perspectives internationales » était modérée par le Dr Makram Oueiss et a vu les interventions de Julia Bourbon Fernandez, ECPM, de deux magistrats du Ministère de la justice : M. Ayman Ahmad et Mme Angela Dagher et de M. Alaa Qaoud, responsable au Haut-commissariat aux droits de l’Homme des Nations Unies (OHCHR). L’expertise des magistrats est fondamentale dans le dialogue devant favoriser des avancées vers l’abolition de la peine de mort.

La troisième table ronde portait sur les stratégies de plaidoyer parlementaire et plus précisément les outils à disposition des parlementaires et le plaidoyer auprès des parlementaires au Liban et était modérée par M. Ramez Qadi, journaliste. Mme Paula Yacoubian, parlementaire et Dr Ogarit Younan sont intervenues. Mme Paula Yacoubian, a alerté sur le fait qu’il fallait faire attention au Liban car les extrémistes parmi les religieux étaient beaucoup plus puissants que les modérés. Le Modérateur, journaliste a demandé : « Dans une société dans laquelle la criminalité a augmenté, pour quelle raison l’abolition serait-elle considérée comme une priorité ? » Dr Ogarit Younan a rappelé le travail de plaidoyer effectué par la campagne libanaise contre la peine de mort : « Nous avons travaillé avec des parlementaires de plusieurs camps et de plusieurs partis. Avant 2016, tout était possible. Ensuite tout s’est compliqué. » Mais elle a précisé que la persévérance était fondamentale dans le plaidoyer auprès des parlementaires et qu’aujourd’hui, la LACR peut se réjouir de disposer de 9 signatures de parlementaires en faveur d’une proposition de loi pour l’abolition. Quelques jeunes étudiants ont également assisté à la Conférence et parfois posé des questions. Notamment une étudiante en troisième année de licence de droit a demandé : « A quel point faisons nous confiance aux prisons comme alternative à la peine de mort ? » L’ensemble des participants a fait part de leurs craintes quant au fonctionnement actuel du système judiciaire et de l’impact de la gravité de la situation économique sur la situation politique et sécuritaire et sur l’Etat de droit.

Séminaire des acteurs de la chaîne pénale

Plusieurs magistrats avaient accepté une invitation à intervenir. Deux tables rondes se sont succédé. Dans le cadre de la première table ronde, le modérateur Dr Issam Sbat a précisé qu’avant 2005, il était en faveur de la peine de mort. Mme Marie Layouss, juge d’application des peines a insisté sur le fait que la Loi sur la réduction des peines était le résultat d’une évolution du concept de sanction pénale, l’un des objectifs de la peine étant devenu la réhabilitation. Elle a rappelé que depuis 2020, les avocats ont commencé à faire appel aux juges d’application des peines. La magistrate a appelé au renforcement du dialogue entre les magistrats et les avocats. Dans le cadre de la seconde table ronde, Me Richard Sedillot a rappelé que les Barreaux français avaient toujours porté une attention considérable à l’assistance qu’ils pouvaient porter à leurs confrères à l’étranger. Il a ainsi rappelé l’existence de l’Observatoire international des avocats en danger. Il a affirmé que la peine de mort était la manifestation suprême de l’inégalité et qu’elle touchait toujours les plus démunis à moins qu’elle ne soit utilisée comme une arme politique. Il a précisé avec inquiétude qu’actuellement, nombre d’Etats adoptent un système accusatoire et que dans la pratique, ceux qui ne disposent pas de moyens importants sont quasiment certains d’être condamnés. Il a rappelé que le rôle des militants et des ONG est essentiel mais que certains moments de la procédure n’étaient vécus que par les magistrats et les avocats. Me Rafic Zakharia, avocat à la Cour d’appel a tenu a adressé des remerciements à l’ancien président du Barreau venu assister au Séminaire et qui avait pris des positions fondamentales par le passé. Dr Ziad Achour a décrit l’importance de développer le système judiciaire. Il a rappelé que le Tribunal spécial pour le Liban ne prévoyait pas la peine de mort et que par conséquent, le principe d’égalité entre les accusés n’était pas respecté. Il a suggéré d’inviter des psychanalystes à analyser cette fascination de l’opinion publique pour la peine de mort. Il a rappelé l’importance d’une justice restauratrice.

Interventions à l’université

Le 9 octobre, ECPM et la LACR sont intervenus auprès d’étudiants de troisième année de licence de droit de l’Université la Sagesse sur le contexte de l’application de la peine de mort dans le monde et au Moyen-Orient, sur l’argumentaire contre la peine de mort et sur des exemples concrets de défense de condamnés à mort.

Visite de la prison du Roumieh

Le 9 octobre également, la délégation d’ECPM a effectué une visite de la prison du Roumieh avec l’AJEM et rencontré et échangé avec plusieurs condamnés à mort et avocats intervenant dans le cadre de l’assistance juridique de l’AJEM auprès des détenus.

Revue de presse

La conférence nationale et le séminaire des acteurs de la chaîne pénale ont été très bien relayées dans les médias arabophones libanais.

☛ Sélection d’articles dans Nida Alwatan, Lebanon 24, NNA-leb, Aljadeed, Annahar

La peine de mort en droit et en pratique au Liban