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Invisibilisation et discriminations : la double peine pour les femmes

La Journée internationale des droits des femmes, instituée par les Nations unies en 1977, est une occasion de rappeler les différentes problématiques liées à l’application de la peine de mort pour les femmes qu’elles soient condamnées à mort ou proches de condamnées à mort.
Manifestation contre les exécutions en Iran, Paris, Décembre 2022. Photo : Christophe Meireis

Les femmes demeurent sous représentées au sein de l’Exécutif, du Législatif et du Judiciaire, cela a des conséquences sur la formulation des législations relatives à la peine de mort et leur application, notamment pour les femmes.

Les condamnations à mort et exécutions de femmes restent globalement marginales par rapport à celles des hommes. Les femmes représenteraient moins de 5 % de la population totale des condamné·e·s à mort dans le monde. En 2022, parmi les 78 États rétentionnistes ou en moratoire, 42 détenaient des femmes condamnées à mort. Mais si les femmes ne constituent pas la majorité des personnes condamnées à mort détenues, elles sont souvent touchées par l’usage de la peine de mort de manière indirecte en tant que proches d’hommes condamnées à mort, qu’elles soient mères, épouses, filles,…

Les différences de traitement fondées sur le genre s’observent dans la législation et dans la pratique. Au niveau des procédures pénales relatives à la peine de mort, elles sont toutefois encore peu étudiées, ce qui rend difficile l’obtention de données précises. En conséquence,  les mauvais traitements dont sont victimes les femmes condamnées à mort ou risquant de l’être ne peuvent être dûment qualifiés et quantifiés.

De l’inculpation à la condamnation : Inégalités et préjugés de genre

Les femmes sont confrontées à des formes croisées de discriminations et ne bénéficient pas d’un égal accès à la justice. Dans nombre de pays, la majorité des juges et des avocats demeurent des hommes.

Dans leur grande majorité, les femmes sont condamnées à mort pour des infractions qui font suite à des violences basées sur le genre dont elles ont pu être victimes et notamment des violences domestiques aggravées.

Par ailleurs, l’analyse de leurs dossiers révèle dans la majorité des cas, des spécificités de genre significatives, impactant leur parcours judiciaire et les menant à la peine capitale sans prise en compte de circonstances qui auraient pu permettre d’atténuer leur peine voir de les en acquitter. Les femmes sont aussi la cible d’accusations propres à leur genre comme la sorcellerie ou certaines formes d’adultère.

« Les pays qui criminalisent sévèrement le trafic de drogue, comme ceux du Golfe et de l’Asie du Sud-Est, comptent une forte proportion de femmes dans les couloirs de la mort. Vivant souvent dans la précarité économique, les femmes sont plus susceptibles d’être impliquées aux niveaux les plus bas et les plus exposées du trafic de drogue et donc plus vulnérables à l’arrestation pour des délits connexes passibles de la peine de mort. »

Cartographie de données : les femmes dans le couloir de la mort, Coalition mondiale contre la peine de mort, juin 2023

Après la condamnation, des conditions de détention particulièrement discriminantes pour les femmes

L’expérience du couloir de la mort est régulièrement qualifiée de torture par les organisations internationales de défense des droits humains, en raison de la dureté des conditions de détention, de la durée de l’incarcération et de l’angoisse liée à l’attente de l’exécution.

Les femmes dans le couloir de la mort sont susceptibles de subir des violations de leurs droits fondamentaux supplémentaires dans la mesure où leurs besoins sexo-spécifiques sont rarement pris en considération, et ce pour de multiples raisons. Les lieux d’incarcération ne les protègent pas toujours des violences sexuelles et sexistes et/ou ne garantissent nécessairement un accès aux soins d’hygiène et de santé sexo-spécifiques.  Les femmes, plus que les hommes, sont susceptibles d’être exposées à des violences sexuelles en détention ; lorsqu’elles ne sont pas séparées des détenus hommes, lorsqu’elles sont gardées par des personnels pénitentiaires masculins. Elles sont aussi exposées à des conséquences différentes en cas de violences sexuelles, comme le fait d’être enceinte. Lorsqu’elles sont condamnées à mort, elles sont encore plus vulnérables dans la mesure où elles n’ont pas de perspective de fin de détention.

Il est impératif de rendre visible la réalité des problématiques liées à l’application de la peine de mort pour les femmes et de lutter pour une justice intersectionnelle, considérant les multiples facteurs de discrimination qu’elles subissent.


Lutte contre les violences sexuelles et peine de mort

Des voix s’élèvent régulièrement pour prôner l’application de la peine de mort comme solution répressive aux affaires de violence à l’égard des femmes et des filles. Plus d’une dizaine d’États prévoient encore la peine de mort pour viol, bien loin pourtant de s’attaquer aux causes profondes des violences sexuelles et de la culture du viol.

Le recours à la peine de mort ne peut constituer un instrument de lutte contre les violences sexistes et sexuelles car celle-ci ne joue pas un rôle préventif ni ne résout, en premier lieu, les nombreux obstacles empêchant l’accès effectif des victimes de violences sexuelles à la justice.