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Peine de mort en Iran : le plus grand nombre d’exécutions depuis 2015

Le 15e rapport annuel sur la peine de mort en Iran, réalisé conjointement par Iran Human Rights (IHRNGO) et Ensemble Contre la Peine de Mort (ECPM), est édifiant : les exécutions ont continué d'augmenter en 2022. Au moins 582 condamnés à mort ont été exécutés, soit une augmentation de 75% par rapport à 2021. La situation du pays demeure ainsi préoccupante, la peine de mort étant à nouveau utilisée comme un ultime outil d'intimidation et d'oppression par le régime iranien afin de maintenir la stabilité de son pouvoir. En outre, le rapport confirme que les minorités sont statistiquement surreprésentées : 30% des exécutions concernent des prisonniers baloutches, alors que ce groupe ethnique ne représente qu'entre 2 et 6% de la population iranienne.
Rapport annuel 2022 sur la situation de la peine de mort en Iran

Cette nouvelle publication met également en lumière la question de la peine de mort en Iran à la lumière de l’important mouvement de contestation nationale suite à la mort de Jina (Mahsa) Amini survenue lors de sa garde à vue le 16 septembre 2022. Si le retentissement mondial de ce soulèvement n’a pas empêché la condamnation à mort de plusieurs manifestants, les vives réactions de la communauté internationale ont fortement freiné l’application effective de ces sentences.

Consulter le rapport

Deux jeunes manifestants, Mohsen Shekari, 22 ans, et Majidreza Rahnavard, 23 ans, ont néanmoins été exécutés les 8 et 12 décembre 2022. Majidreza Rahnavard a également été la deuxième personne condamnée à être pendue publiquement en 2022, marquant le retour des exécutions dans les rues d’Iran après deux années sans aucune exécution publique. Il convient de noter que le rapport n’inclut pas dans ses statistiques les 537 personnes, au moins, tuées lors des manifestations ou d’autres exécutions extrajudiciaires à l’intérieur et à l’extérieur des prisons. Tout au long de ses 100 pages, le rapport démontre le lien insidieux entre l’augmentation des exécutions et les manifestations populaires qui émaillent depuis des mois toutes les provinces du pays, comme le souligne Mahmood Amiry-Moghaddam, directeur d’Iran Human Rights :

« Afin d’instiller la peur au sein de la population et de la jeunesse contestataire, les autorités ont intensifié les exécutions de prisonniers condamnés pour des raisons autres que politiques tels que le trafic de drogue. Ces prisonniers sont les victimes à bas prix de la machine à exécuter de la République islamique »

À cet égard, l’augmentation des exécutions pour des infractions liées à la drogue est alarmante (plus 60 % par rapport à 2021), représentant plus de la moitié des exécutions qui ont eu lieu dans le sillage des manifestations, et 44 % du total des exécutions en 2022. Cette augmentation atteste d’un recours à la peine de mort comme un moyen de pression et, plus largement, comme un levier répressif pour gérer les problématiques sociales du pays. Raphael Chenuil-Hazan, directeur d’ECPM, a commenté l’augmentation alarmante des exécutions liées à la drogue :

« L’absence de réaction de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime face (ONUDC) et des pays donateurs face à l’annulation de ces réformes envoie un mauvais signal aux autorités iraniennes. L’abolition de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue doit être une condition préalable à toute coopération future entre l’ONUDC et l’Iran en matière de lutte contre le trafic de drogue. »

La peine de mort en Iran fait néanmoins l’objet de protestations de plus en plus visibles au sein de la population, comme les manifestations de familles de condamnés à mort qui ont eu lieu devant les bâtiments officiels des tribunaux pendant plusieurs semaines d’affilée. Le présent rapport confirme que cette tendance de fond a pris de l’ampleur depuis 2020, et s’est encore accélérée avec les manifestations qui ont suivi le décès en détention de Jina (Mahsa) Amini. En outre, les cas de pardon sont plus nombreux que ceux de qisas (représailles en nature), l’acceptation de la diya (prix du sang) et le pardon étant deux procédures de plus en plus suivies. Cette évolution va de pair avec le renforcement du mouvement du pardon, qui permet aux citoyens iraniens d’exprimer leur opposition à la peine de mort de manière détournée, échappant ainsi à d’éventuelles persécutions de la part des autorités. Parallèlement au lancement de ce nouveau rapport, IHRNGO et ECPM appellent à un moratoire sur la peine de mort en Iran, et à une prise de conscience collective afin que les Etats ayant des relations diplomatiques étroites avec le pays portent également ce message de respect des droits de l’homme et d’abolition de la peine de mort.

« Pour arrêter la machine de mort mise en place par le régime iranien, la communauté internationale et la société civile, qu’elle soit sur place ou non, doit manifester activement son oposition à chaque fois qu’une personne est exécutée dans le pays« 

Mahmood Amiry-Moghaddam

Les chiffres clés du rapport

  • Au moins 582 personnes ont été exécutées en 2022, soit une augmentation de 75 % par rapport aux 333 personnes exécutées en 2021
  • 71 exécutions (12 %) ont été annoncées par des sources officielles, contre une moyenne de 16,5 % en 2021 et 33 % en 2018-2020.
  • 88 % des exécutions figurant dans le rapport de 2022 (511 exécutions au total) n’ont pas été annoncées par les autorités.
  • Au moins 288 exécutions (49 % du total des exécutions) étaient liées à des condamnations pour meurtre, soit le nombre le plus élevé depuis 15 ans.
  • Au moins 256 exécutions (44 % du total des exécutions) étaient liées à des condamnations liées à la drogue, contre 126 en 2021 et une moyenne de 24 par an entre 2018 et 2020.
  • Seules 3 de ces 256 exécutions liées à la drogue ont été officiellement annoncées
  • Au moins 3 délinquants juvéniles figuraient parmi les personnes exécutées.
  • Au moins 16 femmes ont été exécutées.
  • Au moins 15 personnes, dont deux manifestants et un prisonnier politique kurde, ont été exécutées pour des accusations de Moharebeh (guerre contre Dieu) et d’Efsad-fel Arz (corruption sur terre).
  • Au moins 273 exécutions en 2022 et plus de 4029 exécutions depuis 2010 ont été effectuées sur la base de condamnations à mort prononcées par des tribunaux révolutionnaires.
  • Au moins 624 prisonniers condamnés à mort pour meurtre ont été graciés par les familles des victimes de meurtre dans le cadre de l’« Initiative pour l’abolition de la peine de mort ».
Plaidoyer
février 2023
Depuis le début du soulèvement, déclenché par la mort en détention de Mahsa Amini le…