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Édito: « La mort, ce n’est vraiment plus la peine ! »

Chaque 10 octobre réactive le lien qui nous unit à l’abolition de la peine de mort en France par Monsieur Robert Badinter en 1981. Devenue Journée mondiale contre la peine de mort, cette date nous invite à la célébration mais aussi à la réflexion. Dans un contexte mondial en constante évolution, les valeurs abolitionnistes restent, elles, inamovibles.

L’édito d’Alain Morvan, Président élu d’ECPM

En 2019, 51 pays appliquent encore la peine de mort, 33 condamnent à la peine capitale sans mise en oeuvre des exécutions et 114 pays ont aboli ce châtiment d’un autre temps. Comme l’a démontré avec force le 10 octobre dernier, la 17e journée mondiale contre la peine de mort, de la Tunisie à l’Indonésie, du Cameroun à la France en passant par la République démocratique du Congo, de Paris à Strasbourg, la mort, ce n’est vraiment plus la peine dont le monde a besoin. Arme politique contre les opposants dans les démocratures et les dictatures, outil de contrôle social et d’oppression des minorités, l’idée même de peine capitale a vécu, ainsi que le prouve le mouvement irrépressible vers l’abolition universelle sur presque tous les continents.

alain morvan

Évidemment, il faudra peut-être encore une génération, ou deux, ou trois, pour y parvenir. Evidemment, il y aura des retours en arrière, au rythme des poussées nationalistes qui galvanisent leurs soutiens en brandissant cet étendard frelaté, qui n’est ni efficace ni juste. Tout le monde l’a dit d’ailleurs le 10 octobre dernier et très bien dit. Je reprends à dessein les mots de Raphaël Chenuil-Hazan, qui dirige ECPM depuis dix ans et qui a signé dans le Nouvel Obs, une tribune frappée au coin de l’expérience et du bon sens :

« Nous ne pouvons justifier la peine de mort (ou fermer les yeux) selon la géopolitique internationale. La vie d’une femme de ménage indonésienne décapitée dans un pays du Golfe a la même valeur que celle d’une « mule » (ou passeur de drogue) en Asie du Sud-Est, d’une femme adultère ou d’un dissident kurde en Iran, d’un jeune Noir au fin fond du Texas ayant braqué une épicerie ou encore d’un Français ou Belge parti en Syrie combattre le régime de Bachar al-Assad au nom du « grand califat ». »

Car c’est bien de cela dont il s’agit: les principes (le droit à la vie, le droit à la justice) doivent résister à l’épreuve du temps, des contextes, des tendances, des modes, des pressions, des appels à la vengeance des opinions publiques. Les principes, ce sont des boucliers à l’épreuve des balles.

En 2019, d’ailleurs, ces principes sont mis à l’épreuve en France. Le pays qui fêtera dans deux ans les 40 ans de l’abolition de la mort, portée par notre Président d’honneur Robert Badinter, est en train de trembler sur ses bases. Doit-on rappeler ici que l’abolition de la peine de mort est une condition sine qua non de l’adhésion à l’Union européenne ? Que même la Turquie d’Erdogan et de ses prédécesseurs s’est pliée à cette condition ? Que dire de la France d’Emmanuel Macron, qui permet que les djihadistes français partis combattre en Syrie au soutien de l’Etat islamique soient condamnés à mort, dans un simulacre de justice expéditive que les spécialistes du sujet ont brillamment décrit lors de notre débat au barreau de Paris le 10 octobre au matin ?

C’est encore et toujours Victor Hugo qui en parle le mieux du fin fond d’un XIXe siècle qui paraît si lointain: « Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne ». L’abolition sera toujours du côté de la civilisation, du respect de l’autre, du respect des différences. Les abolitionnistes seront toujours du côté de la civilisation. Non, sérieusement, la mort, ce n’est vraiment plus la peine !

L’Edito est une publication du Mail de l’Abolition (MAB), la newsletter mensuelle d’ECPM.

Pour retrouver les précédentes éditions du MAB et vous abonner, c’est par ici.